Végétarisme

Qui sont les adeptes du végétarisme ? Pour y répondre, Arouna Ouedraogo, sociologue au centre Inra d’Ivry-sur-Seine, a présenté une étude française sur le sujet, à l’occasion d’un petit déjeuner organisé par l’Institut français de nutrition. Débutée en 1997 au moyen d’un questionnaire proposé aux clients d’un magasin de produit bio de la région parisienne, celle-ci a été complétée, jusqu’en 2007, par les informations recueillies au cours d’ une soixantaine d’entretiens réalisés auprès de consommateurs ayant répondu au questionnaire.

Présent dans toute la population

Premier constat, la proportion de végétariens autodéclarés augmente à mesure que l’on s’élève dans la hiérarchie sociale. « La présence de catégories populaires est, avant tout, un indice de la diffusion du régime au sein de la société », précise Arouna Ouedraogo. Dans les catégories sociales supérieures, le végétarisme se révèle surtout féminin avec une proportion de femmes supérieure à 60 % dans l’échantillon interrogé. Au contraire, chez les ouvriers et les employés, ce sont davantage des hommes qui sont végétariens. On croise ainsi beaucoup de célibataires, plutôt jeunes, citadins de longue date, qui trouvent dans le végétarisme un réseau social et alimentaire alternatif. Du fait d’une diffusion plus récente, rares sont les végétariens de plus de 50 ans dans les classes populaires. A contrario, les plus de soixante ans sont représentés chez les cadres avec souvent une grande longévité dans le régime, plus de quinze, voire vingt ans. « Le végétarisme n’a rien d’une pratique religieuse, précise Arouna Ouedraogo. Les gens y entrent et en sortent, sans se poser de questions. » Le chercheur constate, d’ailleurs, des pratiques distinctes dans la mise en œuvre du régime. « Le végétarisme des classes populaires se veut souvent plus strict dans le respect de l’interdit de viande. Tandis que les catégories supérieures ajustent la règle en fonction de leurs propres valeurs somatiques, ludiques et médicales. »

L’étude montre que l’un des points de vue partagés par les végétariens consiste en un refus de la consommation de produits industriels jugés « toxiques », « dénaturés », une dénonciation de l’industrialisation « polluante ». Un revirement par rapport à l’approche productiviste initiale. « Au milieu du XIXe siècle, en Grande-Bretagne, le végétarisme était étudié comme solution alimentaire pour une plus grande vigueur et une meilleure endurance au travail sur les chaînes de production », rappelle Arouna Ouedraogo. Ces motifs sont caractéristiques du malaise alimentaire qu’expriment particulièrement les fractions intellectuelles des classes moyennes et supérieures. Intellectuelle chez les cadres, la motivation est plutôt de type spirituel (attrait pour le bouddhisme, par exemple) chez les employés et les ouvriers.

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